Explorer la relation à l’apprentissage d’enfants/élèves présentant des troubles du comportement et scolarisés en ITEP (institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) :
obstacles méthodologiques, préoccupations déontologiques, pistes de réflexion.
Valérie Barry
PRAG à l’IUFM de l’Université Paris Est-Créteil (94), exerçant dans les formations pour l’Adaptation Scolaire et la Scolarisation des élèves Handicapés (ASH).
Docteure en sciences de l’éducation, laboratoire REV-CIRCEFT.
Introduction : contexte politique et institutionnel de la recherche
L’objet de la recherche dont la méthodologie va être développée dans ce qui suit est d’élucider des formes de relation à l’apprentissage construites par des enfants/élèves qui ont été exclus de l’école dite ordinaire en raison d’un comportement asocial, potentiellement dangereux, et qui présentent des difficultés d’apprentissage persistantes. Cet objet d’étude s’inscrit dans une recherche-action-formation qui se déroule depuis septembre 2009 dans un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP), c’est-à-dire un établissement qui accueille ces enfants.
Le rôle de l’ITEP se définit comme suit dans la circulaire du 14 mai 20071 :
- aider l’enfant (ou l’adolescent) à construire des prises de conscience pour ce qui concerne sa posture relationnelle : « la finalité vise un plus grand discernement par la personne de ce qu’elle met en jeu dans son rapport aux autres et à elle-même » ;
- favoriser la réadaptation du sujet à la norme scolaire et la réinsertion dans un cursus ordinaire: « perspective de maintien ou de retour dans les dispositifs habituels d’éducation, de scolarisation, de formation professionnelle, de socialisation ».
Depuis 2007, les ITEP remplacent les IR ou instituts de rééducation. Cette redéfinition s’appuie sur une volonté politique de situer le projet personnalisé d’accompagnement au cœur de la prise en charge, par une conjugaison au sein de chaque action menée des dimensions éducative, pédagogique et thérapeutique de l’aide. De plus, la disparition du terme « rééducation » dans la désignation de l’établissement n’est pas neutre. Elle renvoie à un changement paradigmatique dans les finalités et les moyens de les mettre en œuvre. Les actions professionnelles se situent davantage du côté de la médiation que de la "réparation".
Ainsi, les ITEP, qui sont des structures en marge de la scolarité dite ordinaire, entendent se rapprocher, dans leur définition, des établissements qui font partie de cette scolarité et qui sont extra-ordinaires en termes de missions, de personnalisation des aides, de dynamiques d’équipes.
Ce contexte d’évolution politique et institutionnelle des IR vers les ITEP s’inscrit dans un contexte plus large, celui de la loi du 11 février 2005 pour « l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », laquelle a établi le droit à la scolarisation de tout enfant ou adolescent handicapé. Cette double contextualisation du travail en ITEP pose un paradoxe : celui de la place de ces instituts dans le système éducatif. En effet, ces derniers sont novateurs, en termes d’aides apportées aux usagers, et dans le même temps, il faut bien le reconnaître, ce sont des établissements de relégation par rapport à l’école inclusive. Quand un enfant ou adolescent est orienté vers un ITEP, cela signifie qu’une saisine de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) a été effectuée via un enseignant référent. Cette saisine est généralement à l’initiative d’une équipe éducative du milieu ordinaire, qui ne sait plus et ne peut plus gérer un enfant très perturbé, dont le comportement est devenu dangereux pour autrui et pour lui-même.
On peut alors s’interroger sur la façon dont les élèves orientés vers un ITEP y vivent leur scolarité, comment ils font face au paradoxe de la combinaison d’une exclusion (du milieu ordinaire) et d’une inclusion (dans une école interne), quelle relation à l’apprentissage et quel sentiment d’appartenance cela peut induire.
Pour tenter de répondre à ce questionnement, une exploration des représentations de ces enfants par le biais d’entretiens est une piste méthodologique qui m’a semblé présenter un intérêt. Nous allons voir dans le paragraphe suivant que sa mise en œuvre a nécessité un certain nombre de précautions et principes de travail.
(...)
Téléchargez le texte ici
Docteure en sciences de l’éducation, laboratoire REV-CIRCEFT.
Introduction : contexte politique et institutionnel de la recherche
L’objet de la recherche dont la méthodologie va être développée dans ce qui suit est d’élucider des formes de relation à l’apprentissage construites par des enfants/élèves qui ont été exclus de l’école dite ordinaire en raison d’un comportement asocial, potentiellement dangereux, et qui présentent des difficultés d’apprentissage persistantes. Cet objet d’étude s’inscrit dans une recherche-action-formation qui se déroule depuis septembre 2009 dans un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP), c’est-à-dire un établissement qui accueille ces enfants.
Le rôle de l’ITEP se définit comme suit dans la circulaire du 14 mai 20071 :
- aider l’enfant (ou l’adolescent) à construire des prises de conscience pour ce qui concerne sa posture relationnelle : « la finalité vise un plus grand discernement par la personne de ce qu’elle met en jeu dans son rapport aux autres et à elle-même » ;
- favoriser la réadaptation du sujet à la norme scolaire et la réinsertion dans un cursus ordinaire: « perspective de maintien ou de retour dans les dispositifs habituels d’éducation, de scolarisation, de formation professionnelle, de socialisation ».
Depuis 2007, les ITEP remplacent les IR ou instituts de rééducation. Cette redéfinition s’appuie sur une volonté politique de situer le projet personnalisé d’accompagnement au cœur de la prise en charge, par une conjugaison au sein de chaque action menée des dimensions éducative, pédagogique et thérapeutique de l’aide. De plus, la disparition du terme « rééducation » dans la désignation de l’établissement n’est pas neutre. Elle renvoie à un changement paradigmatique dans les finalités et les moyens de les mettre en œuvre. Les actions professionnelles se situent davantage du côté de la médiation que de la "réparation".
Ainsi, les ITEP, qui sont des structures en marge de la scolarité dite ordinaire, entendent se rapprocher, dans leur définition, des établissements qui font partie de cette scolarité et qui sont extra-ordinaires en termes de missions, de personnalisation des aides, de dynamiques d’équipes.
Ce contexte d’évolution politique et institutionnelle des IR vers les ITEP s’inscrit dans un contexte plus large, celui de la loi du 11 février 2005 pour « l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », laquelle a établi le droit à la scolarisation de tout enfant ou adolescent handicapé. Cette double contextualisation du travail en ITEP pose un paradoxe : celui de la place de ces instituts dans le système éducatif. En effet, ces derniers sont novateurs, en termes d’aides apportées aux usagers, et dans le même temps, il faut bien le reconnaître, ce sont des établissements de relégation par rapport à l’école inclusive. Quand un enfant ou adolescent est orienté vers un ITEP, cela signifie qu’une saisine de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) a été effectuée via un enseignant référent. Cette saisine est généralement à l’initiative d’une équipe éducative du milieu ordinaire, qui ne sait plus et ne peut plus gérer un enfant très perturbé, dont le comportement est devenu dangereux pour autrui et pour lui-même.
On peut alors s’interroger sur la façon dont les élèves orientés vers un ITEP y vivent leur scolarité, comment ils font face au paradoxe de la combinaison d’une exclusion (du milieu ordinaire) et d’une inclusion (dans une école interne), quelle relation à l’apprentissage et quel sentiment d’appartenance cela peut induire.
Pour tenter de répondre à ce questionnement, une exploration des représentations de ces enfants par le biais d’entretiens est une piste méthodologique qui m’a semblé présenter un intérêt. Nous allons voir dans le paragraphe suivant que sa mise en œuvre a nécessité un certain nombre de précautions et principes de travail.
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